Mercure en rétrograde

Flou cosmique, fascisme et rupture

Présages
5 min ⋅ 26/01/2025

Le texte du jour traite de sujets personnels, qui mêlent toujours l’intime et le politique. C’est pourquoi j’ai mis une coupe pour les abonné·es payant, pour que tout ça ne soit pas offert trop facilement à tout l’internet mondial. J’ai aussi ajouté un tarif petit prix en don ponctuel. Merci de me lire (malgré mon irrégularité), de me soutenir et de m’écrire, c’est toujours aussi précieux.


Bonjour,

j’avais prévu de vous souhaiter une bonne année, ou quelque chose d’approchant. Pardonnez-moi d’avance, ce texte sera probablement assez décousu, entre fascisme, rupture et courage.

Le début d’année est déjà lointain, l’élan enthousiaste de pseudo renouveau a été assommé par le monde comme il va, et par l’état de confusion actuelle de ma vie.

Côté grande Histoire, on semble bien embarqué·es dans une nette accélération du désastre. Que ce soit sur les questions écologiques, de genre ou de solidarité, le backlash passe la vitesse supérieure, dans un même mouvement fascisant, car l’extrême-droite est archi douée pour la convergence des luttes. Aux US, des hommes blancs chouinent et s’énervent très fort entre eux pour savoir comment être de vrais hommes, lutter contre l’extrémisme féministe, célébrer l’agressivité et mettre plus d’énergie masculine dans la société, le business, le monde.

Le spectacle infernal du suprémacisme chrétien blanc patriarcal sur fond de capitalisme tardif serait presque risible s’il n’avait pas de conséquences aussi dramatiques. Finie l’ère de la diversité, de l’inclusion et des aspirations à la transition écologique, les tech bros ont prêté allégeance au nouveau pouvoir, parce que la pérennité de leur business vaut plus que la démocratie et l’égalité, ou parce qu’ils ont toujours été de gros masculinistes, sûrement les deux à la fois. Ils détestent les femmes, les trans, les homos, les écolos, les étrangers, les pauvres. Les choses ont le mérite d’être posées clairement sur la table, eux ne se cachent pas derrière leur petit doigt en pratiquant le “en même temps”, et les régressions de demain ont été préparées par l’inconséquence du gouvernement précédent.

Je ne vais pas poursuivre le panorama de la merde locale et mondiale dans laquelle on est immergé·es, vous avez l’idée : plus de pétrole, plus de couilles, plus de guerre, plus de répression, plus de traque des personnes vulnérables, plus de libertarianisme, toujours moins de service public, de dignité, de soin.

Face à tout ça, je ne peux que vous encourager à rejoindre sur le long terme des cadres d’engagement qui vous conviennent, et à ne pas rester rivé·es au spectacle affligeant de l’actualité, qui ne fait qu’entretenir un état de consternation perpétuel et de fatalisme toxique.

Je n’étais pas partie pour évoquer l’actualité, ni les planètes, mais j’ai appris récemment ce que voulait dire “mercure rétrograde” et j’ai trouvé ça sacrément ironique. Quand une planète rétrograde, on dirait qu’elle avance dans le sens contraire, elle semble faire demi-tour par un effet d’optique. Explication animée très claire ici. Il paraît que le phénomène de mercure en rétrograde est associé à une période de trouble et de questionnements intenses. Vu que ça se produit trois ou quatre fois par an, pour trois semaines à chaque fois, pas de quoi paniquer. En fin d’année dernière, Mercure rétrograde était de retour dans le signe du Sagittaire (le mien, donc), promettant un flou cosmique, des problèmes de communication, ou des dysfonctionnements techniques.

Sur fond de monde qui s’embrase, influence de mercure rétrograde ou non (non), j’ai vécu en fin d’année dernière la période la plus intense de ma vie.

J’ai quitté mon job et en ai commencé un nouveau. La même semaine, je décidais de me séparer de mon conjoint et père de ma fille ; au moment où je devais aussi finir d’écrire mon livre sur la crise de la quarantaine. Ironique, donc.

Pour ajouter un peu de piquant, tout tombait en panne chez moi : lave-linge, chaudière, écouteurs, sur fond de rhume et d’épuisement qui s’étend sur des mois, de migraines chroniques qui m’épuisent, de maux de dos intenses, et d’inondation dans la cave de ma maison à cause des pluies torrentielles. Autour de moi, des ami·es allaient mal ou très mal, et je voulais être la pour elleux, alors que je n’arrivais pas être là pour moi. J’avais l’impression que chaque jour m’enfonçait un peu plus, chaque insomnie creusait mon déficit de sommeil, et que les obstacles petits et grands s’accumulaient, formant une grande bouillasse dans laquelle j’essayais de surnager, parce que des êtres vivants exceptionnels ont besoin de moi et méritent le meilleur. Je ne mets pas ça sur le dos de Mercure, mais franchement, malgré ma détermination, j’ai pris cher.

Pourtant je m’échinais à montrer une façade aussi solide que possible, pour ne pas inquiéter mes proches, pour montrer que je suis forte, fière, féministe, et parce que je ne voulait pas avoir l’air d’être une pauvre petite privilégiée qui chouine. “C’est un peu intense en ce moment, mais ça va.

...

Présages

Présages

Par Alexia Soyeux

J'aime les chiens et les noisettes. J'ai créé le podcast Présages en 2018, qui parle d'écologie et de luttes d'émancipation.